VEGAS : DES CARTES ET DES HOMMES
(PART 1 : RANDOM PLAYERS)
Il paraît qu’on
peut jouer au poker à Vegas. Si, si. Votre serviteur aura ainsi profité de son
séjour pour prendre part à 9 tournois, avec des fortunes diverses. Mais là
n’était pas l’essentiel. L’important, ce sont les rencontres. Et là, toute la diversité et l'universalité de ce jeu de brigands nous saute à la figure. Instantanés vécus aux casinos Venetian, Palazzo et Caesar's Palace.
T. L. , le truculent vétéran au béret
Un vieux sage black de 55
ans environ, jovial, originaire de Houston et grand "sacocheur" de chips à table,
tout ça en dégustant un immense hamburger sur un plateau juste à côté de lui. So
american ! Fan de PLO et de stud aussi. M’a expliqué à la pause les +/- de quasiment
toutes les poker rooms du strip ! Attachant personnage, mais il aurait pu se
laver les mains quand même.
Heribert, l’canadien pas francophone mais francophile
Une quarantaine
d’année, une moustache comme Higgins dans la série Magnum, une dégaine de
comptable dans une scierie de Vancouver, ayant pris part à plusieurs side event aux
wsop ces dernières années, et appréciant visiblement les joueurs français puisqu'il passa son temps à me raconter ses coups internet en cash game middle limit contre des regs français dont je
n’ai jamais entendu parler.
La belle Inconnue du Palazzo
Que faire pour retrouver du baume au coeur quand
on est card-dead lors d’un tournoi ? Regarder autour de soi déjà. Evidemment, il y a les serveuses du casino, mais ça n'est pas toujours très glamour, en tout cas pas ce jour-là. Heureusement, à deux sièges de moi, une ravissante brunette à lunettes ingénue faisait
des siennes, en débardeur ( il devait faire 12° dans la salle) Je n’ai jamais
su quelle était la couleur de ses yeux car mon regard était, comment dire…
ailleurs. Bref, j’ai busté.
Yevgeniy le Biélorusse pas commode
Yevgeniy est
assis à ma gauche. Yevgeniy ne sent pas très bon. Yevgeniy doit porter le même
t-shirt depuis 11 jours, au bas mot. Oui, mais Yevgeniy possède un tour de cou
à avoir bossé comme garde du corps de Eltsine. Alors on n’importune pas
Yevgeniy, et on place ses écouteurs ipod dans les narines pour surmonter cette
deveine abominable. Et on prie pour qu’il bust très très vite. Spassiba &
dazvidanyè tovarictch.
Les mamies zinzin du Middle West
On est le
week-end à Vegas, alors c’est jour de sortie pour les américains de l’intérieur.
Alabama, Missouri, Texas, ils sont venus ils sont tous là, certains le Stetson
vissé sur la tête. Beaucoup de femmes et de p’tits vieux ultraloose qui cherchent à
passer un moment agréable. Enfin, agréable, pas pour tous. A moins d’être
solidement immunisé contre les showdown top pair avec J4 ou Q6. Je vais devoir
revoir le traitement auprès de mon médecin habituel, je crois qu’il me faut
vraiment quelque chose de plus fort.
J’ai trouvé sans
peine l’équivalent du « vazypapa » bien français, un reg’ des events journaliers du Caesar que j'ai rencontré à tous mes tournois, une dégaine à dormir avec ses santiags la nuit,
et une gouaille encore douloureuse pour mes oreilles. A ma gauche d’abord, je
l’ai bust après 20 min. de jeu avec AA vs sa top pair surjouée. Il a re-entry. Deux minutes plus tard, il était déjà
assis à ma droite. Le supplice a duré jusqu’en TF où l’affreux a fini par me
sortir avec… AA bien sûr , les deux pieds et le froc sur la table. Il a pas gagné au
final, bien fait.
Jill la reg’ ménagère de 50 ans
Je l’ai également retrouvée
à tous les tournois auxquels j’ai pris part. Sympathique, fataliste et pince-sans-rire. Et
pas mauvaise du tout en plus. Acceptant sans broncher les lois des cartes et du
hasard. Je lui ai demandé avec un sourire si elle venait tous les jours, elle
m’a dit non, pas le dimanche. Humour ou pas, je ne le saurai que si je retourne
à Vegas un jour.
Estelle… et son mari
Je pars en pause
à la fin d’un niveau, et sur qui tombé-je ? Un type grisonnant assez
maigrelet tenant un rack de jetons de
5$ et projetant de s’asseoir à une table de cash. Ah oui, ça y est, ça me
revient : c’est le mari d’Estelle Denis, l’animatrice M6 et sponso
Barrière, que j’aperçois d’ailleurs aussi avec un rack. Raymond, c’est
ça ? Je sais plus ce qu’il fait
dans la vie, le gars. J’ai dû oublier. Estelle, je l’aime bien, c’est une femme
qui a beaucoup de charme. Mais je n’ai pas pu me résoudre à faire une photo
avec son mari, c’était trop difficile à assumer. Je les ai laissés à leur
anonymat américain. Sans regret.
Anton & Jurg, les fans de Bundesliga
Avec ma
casquette kitsch Euroairport, je me fit vite remarquer par 3 allemands fort
sympathiques à ma table. L’un arborait un sweat du Borussia Möenchengladbach.
Oui, monsieur, ça existe. Alors on a parlé foot, Bayern toussa. Mais le
croupier a fini par être agacé et nous a dit de ne parler qu’anglais à table.
Anton lui a répondu que « Borussia Möenchengladbach » n’était pas une
phrase en tant que tel, mais un nom de club. Le ton est monté et le croupier a
fini par menacer d’appeler le floor pour une pénalité. Décidément ces types ne comprennent
rien au foot ici.
Vinh, le gambler fou
Le profil de
l’asiate standard figurant à chaque table de poker qui se respecte. Mais tel un trouble obessionnel, une envie irrépréssible de sacocher en overbet ou de partir à tapis
preflop pour 60 BB. J’ai compté 14 tentatives en 4 niveaux. La première fois,
il avait J9. La deuxième QT. Je n’ai plus fait un coup avec lui jusqu’à la fin. Heureusement, quelqu'un s'est chargé du sale boulot, et notre ami est rapidement allé s'asseoir à une table de roulette anglaise pour continuer à gambler.
Ari, le suomi bien mis
Un nordique
finlandais exubérant et visiblement très content de lui-même, ayant participé à
un event à 1.500$ aux wsop, patati-patata. Trash-talk en règle, mais assez drôle
finalement. Il a ri jusqu’à ce qu’après un énième vol au bouton, je lui place un resteal-shove à la BB avec
72s. Face up après son fold et rires à la table. On ne l’a plus entendu après.
Les finlandais sont des gens susceptibles.
Jack, le bûcheron tâcheron
Jack mesure à
peu près 2.50m, et est fan des NY Machinchose au baseball. Intarissable sur le
sujet d’ailleurs. Ah, et aussi inbluffable sur le tapis vert. Je n’avais pas
joué un coup depuis 45 min., je découvre une premium 88, je raise et 3-barrel
tapis sur un tableau J9727 et me fais coller chaque street in-stan-ta-né-ment
avec… T9. Au revoir.
Han, le mangeur de scorpions
On n’arrivera
jamais à impressionner un chinois en lui parlant bouffe : quand j’ai dit à
mon businessman de voisin, qui venait de Chengdong, ou Chongdeng, ou
Tchinchong, enfin c’est pareil, que j’avais un card-guard en forme de happy frog
parce que les français mangeaient des grenouilles, M. Han, sans se dérider
(forcément) a sorti son iphone version 7.12 et m’a montré son dernier repas à
base de scorpion. France 0 Chine 1. Je ne lui ai plus jamais pris de jetons par
la suite. Ces Chinois sont partout.
Christyna, la maorie du bout du monde
Tout est
possible à Vegas : même de se retrouver en TF avec à sa gauche une très
souriante femme venant de Nouvelle-Zélande en huge chipleader. Et la voir
éliminer 3 crocodiles texans lors des 5 premiers coups de la TF avec exactement la
même combinaison : flush max !!! Elle a continué le job, je l’ai
aidée un peu, on s’est retrouvés en HU, elle avait 5 fois plus de jetons que
moi, elle avait l’air fatiguée, elle m’a demandée si je voulais continuer
(!), je lui ai répondu en amorçant un mémorable "haka" à la française, son mari a
rappliqué de sa partie de cash game et m’a plaqué juste avant l’essai. Ah non,
j’ai un peu extrapolé là. Bon, orgueil oblige, j’ai continué à défendre ma peau, puis ai fini par
revenir chanceusement à égalité sur un suckout A2>A9. On a dealé rapidement, de guerre
lasse. Nous avons ensuite parlé ensemble un peu de son beau pays, puis elle est
s’est évanouie dans la nuit végassienne. Ce fut ma dernière rencontre dans
cette ville. Pas la moins troublante. A un de ces jours, Christyna.